[Comment ça marche] Les réflectances peuvent-elles être supérieures à un ?

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A force d’écrire des articles sur ce blog, ou sur les réseaux sociaux, ou parce que je publie des codes sur github,  je reçois de nombreuses questions, auxquelles j’essaie de répondre.

Une partie d’entre elles porte sur les valeurs des réflectances, comme par exemple:

  • « when dividing the images by 10,000 the maximum value I saw was around 1.6, I guess the values are supposed to be within 0 and 1? »
  • « I am trying to figure out if the TOA Reflectance range should be limited to 0 and 1 or not. I have read in two different posts that the TOA Reflectance should not be bigger than 1.The part that confuses me is that for many images I am using, the maximum pixel value is above 1 »
  • ou, de la part d’un utilisateur de Venµs, moins diplomate : « It means the CNES radiometric calibration process for Venus imagery has many bugs, starting from L1  all the way to L2 products with max surface reflectance values > 2.0 »

Le fait que les réflectances doivent être inférieures à un est une croyance très répandue, mais… elle est fausse !

Photometrie

Revenons à la physique :

Conventions et définitions angulaires, N indique le Nord. Dans le texte, nous utilisons l’indice v pour les angles de visée plutot que la lettre r dans le schema).

une surface froide et passive n’émet pas de lumière dans le spectre solaire (ou seulement de façon négligeable) et ne réfléchit qu’une partie de la lumière incidente. Le rapport entre le flux lumineux entrant et le flux sortant dans toutes les directions est connu sous le nom d’albédo, et il ne peut être supérieur à un (voir ce post pour une définition des flux, de l’irradiance, de l’éclat et de la réflexion). Mais la réflectance et l’albédo ne sont pas la même chose.

La réflectance bidirectionelle est définie par :

$$\rho(\theta_{s},\phi_{s},\theta_{v},\phi_{v}) =\frac{\pi.L(\theta_{s},\phi_{s},\theta_{v},\phi_{v})}{Es.cos(\theta_{s})}$$

où L est la luminance, Es est l’éclairement solaire \(\theta_s\) est l’angle zenithal solaire \(\phi_s\) est l’azimut solaire, \(\theta_v\) est l’angle zénithal de visée, and \(\phi_v\) est l’azimut de visée.

L’albédo par ciel noir((ou réflectance hémisphérique directionnelle) est le rapport entre la lumière entrante et sortante d’une source ponctuelle, telle que le soleil, sans atmosphère. La BSA est l’intégrale de la réflectance dans toutes les directions (pondérée par le cosinus de l’angle de visée, car on ne tient compte que de la surface qui est perpendiculaire à la direction d’observation, et par le sinus de l’angle de vision, lorsque l’on intègre les couronnes de l’hémisphère).

$$Albedo(\theta_{s},\phi_{s})=\int_{0}^{\pi/2} \int_{0}^{2. \pi} rho(\theta_{s},\phi_{s},\theta_{v},\phi_{v}) cos(\theta_v).sin(\theta_v)d\theta_v d\phi_v$$

Bien entendu, l’éclairement total réfléchi par une surface dans toutes les directions est inférieur à l’éclairement solaire entrant, ce qui signifie que l’albédo est inférieur à un. Supposons que vous ayez une parfaite
surface lambertienne, qui disperse toute la lumière entrante de manière uniforme dans toutes les directions vers le haut (imaginez une feuille de papier blanc parfaite). Pour une telle surface, la réflectance est égale à un dans toutes les directions et l’albédo est égal à la réflectance.

Imaginez maintenant un miroir parfait, qui réfléchit également toute la lumière entrante, mais seulement dans la direction spéculaire. Dans ce cas, la réflectance n’est pas du tout constante. Elle est nulle dans toutes les directions, sauf dans un petit cône qui correspond à l’angle solide du soleil. L’albédo en est toujours un, mais la réflectance dans le cône spéculaire est bien supérieure à un :

$$\rho(\theta_{s},\phi_{s},\theta_{s},\phi_{s}+\pi) = \frac{2.\pi}{\omega_s}$$

où \(\omega_s\) est l’angle solide du soleil, et \(2.\pi\) est l’angle solide d’un hémisphère.

Comme \(\omega_s=6.8 \times 10^{-5}\), nous obtenons une réflectance qui vaut à peu près \(10^{5}\) pour un miroir parfait, ce qui est beaucoup beaucoup plus grand que un ! En pratique, à cause des effets atmosphériques, des miroirs imparfaits et des détecteurs qui saturent, nous n’observons pas de réflectances aussi élevées avec nos satellites, mais nous pouvons encore trouver des réflectances supérieures à 1.

Quand rencontre t’on des réflectances supérieures à un ?

Réflections spéculaires

Un miroir orienté dans la bonne direction  peut avoir une réflectance beaucoup plus élevée qu’un. Cela se produit par exemple fréquemment sur des fenêtres ou lucarnes installées sur des toits de maisons. C’est le cas des images ci-dessous, pour lesquelles un utilisateur s’est plaint à tort que nos, produits fournissaient des valeurs de réflectance de surface maximales supérieures à 2,  et que donc nos traitements étaient pourris  (ce qui n’est pas le cas, ou pas tout à fait 😉 )

Exemple de réflectances de surface supérieures à 1, observées sur des images VENµS. il s’agit ici de fenêtres sur les toits qui jouent le rôle de miroirs.
Exemple d’image Sentinel-2, où un toit vitré, une serre, ou des panneaux solaires, saturent complètement les détecteurs, avec des réflectances supérieures à un. On observe même que la saturation produit des artefacts perpendiculairement et parallèlement aux détecteurs, hors de la zone saturée sur plus d’une centaine de mètres.

Effet des pentes sur les montagnes

Définition de l’angle zénithal solaire et de l’angle d’incidence.

Un autre phénomène produit des réflectances supérieures à un :

Un pixel enneigé dans une montagne face au soleil peut aussi atteindre des valeurs supérieures à un. C’est parce que la réflectance est normalisée par le cosinus de l’angle zénithal du soleil (angle entre la direction du soleil et la verticale). Mais dans le cas d’une pente, elle devrait en fait être normalisée par le cosinus de l’angle d’incidence, qui est l’angle entre la direction du soleil et la direction normale à la pente. Sen2cor et MACCS disposent d’une « correction des effets topographiques » qui doivent réduire les réflectances..

 

Les faces enneigées orientées vers le soleil peuvent présenter des réflectances apparentes supérieures à 1 (les points rouges, par exemple). La correction des effets topographiques disponible dans MAJA permet d’annuler (ou au moins réduire) ces effets.

Effet des pentes des nuages

Les nuages épais peuvent aussi avoir des réflectances très élevées, et le même effet que ci-dessus peut être observé pour les pentes à la surface des nuages qui font face au soleil. Mais nous ne sommes pas en mesure de le corriger car cela signifierait avoir un modèle d’élévation du nuage.

References:

Nicodemus, F.E.; J.C. Richmond; J.J. Hsia (October 1977). « Geometrical Considerations and Nomenclature for Reflectance » (PDF). NATIONAL BUREAU OF STANDARDS. Retrieved 8 April 2013.

Schaepman-Strub, G., Schaepman, M. E., Painter, T. H., Dangel, S., & Martonchik, J. V. (2006). Reflectance quantities in optical remote sensing—Definitions and case studies. Remote sensing of environment, 103(1), 27-42.

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