Les effets directionnels, comment ça marche ?

=> Parmi les caractéristiques de Sentinel-2, de LANDSAT, de Venµs ou de SPOT4 (Take 5), il y en a une qui est très fréquemment oubliée : c’est la possibilité d’observer toutes les terres avec une répétitivité des observations tous les 5 jours sous des angles constants.

Les observations sous des angles constants permettent de limiter les effets directionnels, et ces effets directionnels sont l’un des perturbateurs principaux, et pourtant mal connus des séries temporelles d’images optiques.L’amplitude des variations directionnelles est visible sur les images ci-dessous, qui ont été acquises depuis un hélicoptère, avec les mêmes paramètres de prise de vue, excepté l’angle de vue. L’image de gauche a été acquise avec le soleil dans le dos, en rétrodiffusion, l’image de droite a été acquise à 90 degrés de la direction solaire.

Forêt de conifères observée depuis un hélicoptère, en conditions de rétrodiffusion (l’ombre de l’hélicoptère est visible). Noter que la réflectance diminue lorsqu’on s’éloigne de l’hélicoptère, au fur et à mesure que les ombres deviennent visibles
Forêt de conifères observée à 90 degrés de la direction de rétrodiffusion. La réflectance est bien plus faible puisque les ombres des arbres sur le sol et sur la végétation sont visibles (Photos F.M. Bréon)

En fonction de l’angle sous lequel on observe une scène, et en fonction des angles solaires, les réflectances que nous allons mesurer peuvent varier fortement, on parle donc d’ « anisotropie des réflectances », même si le terme consacré est « les effets directionnels ». La manière dont elles varient dépend fortement du type de surface. Un désert bien plat présentera très peu d’anisotropie (cf figure ci-dessous, à gauche), on parle alors d’une surface quasi Lambertienne. En revanche une surface d’eau bien calme, se comportant comme un miroir présentera une très forte anisotropie dans la direction spéculaire. Enfin, la végétation présente un pic de réflexion dans la direction de rétrodiffusion (cf ci-dessous, à droite), pour laquelle les angles solaires et de visée sont quasiment identiques. On note sur cette courbe qu’à proximité de la direction de rétrodiffusion, on observe une variation des réflectances de 30 à 40% en quelques degrés. Ce phénomène est appelé le « hot spot’. Au total, en quarante degrés, on assiste à une variation d’un facteur 2 des réflectances. Ce phénomène est  donc loin d’être négligeable.

Evolutions des réflectances d’un désert, observées par POLDER, en fonction de l’angle de phase (écart angulaire avec la direction de rétrodiffusion). En rouge, la bande proche infra rouge, en vert, la bande rouge.
Evolutions des réflectances d’une zone de cultures, observées par POLDER, en fonction de l’angle de phase (Courbes produites par F.M. Bréon). En rouge, la bande proche infra rouge, en vert, la bande rouge.

Les instruments spatiaux à large champ de vue, comme MODIS, SPOT/VEGETATION, MERIS, VIIRS, tout comme les satellites à haute résolution qui dépointent, comme SPOT, RapidEye, Pleiades, produisent donc des séries temporelles acquises sous des angles différents d’un jour à l’autre. Les séries temporelles de réflectances sont donc très bruitées, puisque des variations d’un facteur 2 des réflectances ne sont pas rares. Celles de NDVI le sont un peu moins car, comme on le voit ci-dessus, les deux bandes rouge et proche infra rouge ont un comportement similaire. De nombreuses méthodes de correction des effets directionnels ont été mises en place, j’en ai proposé une pour SPOT VEGETATION, mais malgré tout, les résultats sont loins d’être parfaits. C’est pour éviter tous ces tracas que mes collègues du CESBIO, F. Cabot et G. Dedieu ont inventé le concept de RHEA, qui consiste à mettre le satellite sur une orbite avec un court cycle orbital (1 à 5 jours), afin de revoir un même site sous un angle de vue constant. Venµs découle de ce concept, tout comme Sentinel-2 et SPOT4 (Take5). Formosat-2 a lui aussi un cycle à un jour, même si cette caractéristique est surtout due à la petite taille de l’ile de Taïwan, qu’on peut donc observer tous les jours. Quant à Landsat, je ne sais pas si la minimisation des effets directionnels était une des contraintes qui ont abouti à la définition actuelle, mais c’était un bon choix. Grâce aux satellites à prise de vue sous un angle constant, le bruit des séries temporelles est fortement diminué, comme le prouve la courbe ci-dessous, issue de l’observation d’un pixel de blé (24*24m) au Maroc, par Formosat-2. Les trous sont dus à la couverture nuageuse, et à des problèmes de prise de vue sur Formosat-2 (enregistreur déjà plein après le passage sur l’Europe).

 

Réflectances en fonction du temps pour une parcelle de blé au Maroc.

Finalement, le hot spot nous permet de deviner depuis laquelle des deux montgolfières la photo a été prise : c’est celle de gauche comme le prouve la photo entière ci dessous (prise par Arnaud Deramecourt, un collègue du CNES). La montgolfière de gauche est entourée d’un halo plus clair correspondant au hotspot, on est donc en condition de rétrodiffusion, avec l’observateur dos au soleil. L’observateur est donc dans la montgolfière de gauche.  Je pense qu’Arnaud voyait un peu de poésie dans ces deux ombres de montgolfières tendrement enlacées, et j’espère que vous pouvez toujours l’apprécier,  alors que pour ma part, par déformation professionnelle, je n’y vois qu’un affreux hot-spot.

 

Pour aller plus loin :

Il y a plusieurs autres articles sur les effets directionnels dans ce blog, rédigés à l’occasion d’une étude menée pour l’ESA et Airbus dans le but de determiner s’il est possible d’étenre le champ de vue de l prochaine génération de Sentinel-2.

[Directional effects] What field of view for the next generation of Sentinel-2 ?

Dans cette série d’articles, il y en a un particulièrement intéressant sur la modélisation des effets directionnels avec DART et leur validation avec VENµS.

[Directional Effects] Validation of DART simulations of vineyards using VENµS multi-angular observations

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