Des applications pour la vapeur d’eau observée par Sentinel2 ?

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Absorption atmosphérique. En bleu, la réflectance de surface pour un pixel couvert de végétation, en rouge réflectance au sommet de l’atmosphère.

Sentinel-2B dispose de deux canaux centrés sur des bandes d’absorption de la vapeur d’eau: la bande 9 (940nm) et la bande 10 (1380 nm). La bande 10 correspond à une très forte absorption, telle qu’en général, dans cette bande, les photons n’ont aucune chance d’atteindre le sol, et encore moins le satellite après réflexion sur le sol. Cette bande est utilisée pour détecter les nuages hauts. Dans ce blog, nous avons jusqu’ici moins parlé de la bande d’absorption à 940 nm. Ici l’absorption des photons passant par la surface terrestre n’est pas totale, seule une forte proportion d’entre eux est absorbée, et cette proportion dépend bien sûr de la quantité de vapeur d’eau, mais aussi de l’inclinaison des directions solaires et d’observation. Cette bande nous sert à la correction atmosphérique, mais pourrait aussi, je pense, intéresser les spécialistes de l’atmosphère.En plus des bandes citées ci-dessus, plusieurs bandes spectrales de Sentinel-2 sont affectées par la vapeur d’eau, comme les bandes rouges, ou proche infra-rouges, mais l’absorption y est très faible, en général de 1 à 3%. L’absorption est cependant suffisante pour nécessiter une correction. Pour bien corriger cette absorption, il faut connaître la quantité de vapeur d’eau. Pour estimer la vapeur d’eau, nous utilisons comme référence une autre bande, la bande 8a (865 nm), proche de la bande 9 mais située en dehors de la bande d’absorption. La comparaison nous donne un taux d’absorption, que nous pouvons convertir en contenu de vapeur d’eau. Nous ne cherchons pas à corriger l’absorption sur les bandes 9 et 10 car les résultats seraient insuffisamment précis. Pour les autres canaux, comme l’absorption est faible, nous avons mis en œuvre dans notre chaîne de correction atmosphérique MAJA, une méthode rudimentaire d’estimation de la vapeur d’eau, qui suppose que :

  1. la réflectance de la surface terrestre est la même dans les bandes 865 et 940 (c’est assez vrai, même si de petites variations peuvent être observées)
  2. que toute la vapeur d’eau est située au dessus des autres couches de l’atmosphère (c’est très faux, d’autant plus s’il y a beaucoup d’aérosols et beaucoup de vapeur d’eau). Cependant, si la surface est brillante, l’effet de cette erreur reste modéré, et, en général, à part pour les surfaces en eau, les réflectances des surfaces terrestres sont plutôt élevées dans le proche infrarouge.
  3. nos calculs sont faits avec le code de transfert radiatif 6SV, qui a une résolution spectrale de 2.5 nm. L’absorption de la vapeur d’eau dans la bande 940 est le résultat d’une multitude de petites bandes d’absorption beaucoup plus fines que 2.5nm. Nos calculs sont donc assez imprécis, d’autant plus s’il y a beaucoup de vapeur d’eau dans l’atmosphère

La méthode utilisée est détaillée dans l’ATBD de MAJA. 

Bref, malgré toutes ces approximations, nos résultats de validation sont très honnêtes pour des contenus en vapeur d’eau situés entre 0 et 3 g/cm2 de sol. Ils sont biaisés au delà de 3 g/cm2 (probablement en raison des approximations 2 et 3 décrites ci-dessus). La performance obtenue est autour de 0.15 g/cm2. Une méthode un peu plus raffinée devrait aisément améliorer les résultats.  Nous produisons donc de belles cartes de vapeur d’eau, disponibles en quasi temps réel auprès de Theia. Cependant, je n’ai vu jusqu’ici aucun utilisateur s’intéresser à la vapeur d’eau issue de Sentinel-2 (je ne vois pas tout…). J’imagine que c’est dû au fait que Sentinel-2, c’est une mission pour le suivi des surfaces terrestres. Nos collègues des surfaces marines, habitués à notre voisinage sur les côtes s’y sont intéressés, nous leurs prêtons Sentinel-2, et ils nous prêtent Sentinel-3. Mais les atmosphériciens sont bien au dessus de tout celà (au sens propre 😉 ). Essayons un peu de les aguicher avec les images qui suivent. 

Etude de cas 1 : plaine du Pô, Italie

Comme vous pouvez le voir sur la carte ci-jointe, la tuile concernée par cette étude de cas se trouve juste à l’Ouest de Milan et au Nord Est de Turin.  Dans le coin Nord Ouest, On atteint la zone du Mont Rose et ses 4000m.Vous trouverez ci-dessous à droite, l’image de vapeur d’eau et à gauche, la composition colorée RVB après correction atmosphérique. En dessous, un zoom sur la vallée qui mène au Mont Rose. Sur l’image de vapeur d’eau (n’hésitez pas à cliquer dessus pour les voir en grand), on retrouve bien le relief, ce qui est normal puisque la vapeur d’eau tend à se concentrer dans les basses couches de l’atmosphère. Sur le zoom, on voit un fort contraste de vapeur d’eau le long de la crête Nord/Sud où se forment quelques cumulus. Attention,la vapeur d’eau n’est pas calculée au dessus des nuages, mais elle est interpolée. La vallée à l’Ouest est sèche, alors que celle à l’Est est plus humide. J’imagine que l’advection a démarré et des brises de relief ont commencé à se former, qui font remonter l’humidité des plaines.En plaine justement, il me semble qu’on voit aussi que l’humidité est plus forte sur la zone de cultures, bien verte sur l’image RGB, alors qu’elle est moins forte sur la zone où il y a davantage de sols nus, dans la banlieue de Milan. 

Image RGB d’une acquisition sur la tuile de Turin et Milan. En haut, image entière, en bas, zoom sur la vallée d’Aoste.

Image de vapeur d’eau correspondante, entre 0 (bleu foncé) et 2.5 (blanc) g/cm2. En haut, image entière, en bas, zoom sur la vallée d’Aoste.

 

Etude de cas 2 : Mongu Zambia

 Le deuxième cas étudié correspond à un plateau de Zambie, près de la ville de Mongu (un célèbre site de validation des produits de végétation). Une vallée traverse le plateau à l’ouest, il y a un dénivelé d’une centaine de mètres au bord du plateau le long de cette vallée. On note bien que l’humidité est plus forte dans la vallée. On note quelques artefacts au niveau des petits lacs asséchés du plateau (probablement liés aux approximations décrites plus hauts). Mais ce qui a attiré mon attention, ce sont les oscillations de la vapeur d’eau, en diagonale, au dessus du plateau. les voyez vous ? Je suis une bille en aéronomie, mais pourrait-il s’agir d’ondes de gravité. . Bon, je vais peut-être faire rire les spécialistes avec mes explications, qu’ils n’hésitent pas à corriger et améliorer ma description du phénomène ou proposer d’autres explications dans les commentaires. 

Image RGB d’une acquisition sur la tuile de Mongu en Zambie.

Image de vapeur d’eau correspondante, entre 0 (bleu foncé) et 2.5 (blanc) g/cm2.

 Bref, il me semble que la connaissance du contenu en vapeur d’eau à haute résolution devrait intéresser les spécialistes d’aéronomie et de convection. N’hésitez pas à en informer ceux que vous connaissez.   

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