Une étude de phase 0 pour Sentinel-HR

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En 2018, Olivier Hagolle vous avait parlé dans cet article du concept Sentinel-HR : une mission de résolution métrique fournissant des observations globales, répétitives, systématiques et libres d’accès. Il reprenait ainsi le flambeau de Gérard Dedieu qui portait déjà ce concept dans les années précédentes. Fruit de ces années de sensibilisation, une étude de phase 0 est en cours au CNES pour explorer ce concept et démontrer sa pertinence.

L’originalité du concept Sentinel-HR

Un aperçu de ce que serait Sentinel-HR: images Pléiades, Hérault 02.2019 (haut) et 05.2019 (bas), à 2m de résolution (2.8m ré-échantillonnés à 2m). A cette résolution, on peut distinguer les haies, les rangées d’arbres, les rangs de cultures, le réseau routier, et les bâtiments individuels. Les angles d’acquisition constants sur Sentinel-HR faciliteraient grandement les applications de détection de changement notamment. La revisite de la mission permettrait d’observer toutes les terres sans nuages tous les trimestres (©CNES 2018-2019 – Distribution Airbus – Usage commercial interdit).

De prime abord, il n’y a rien d’original dans les caractéristiques prévues pour Sentinel-HR : une résolution métrique (entre 1m et 2m), dans les bandes spectrales classiques (rouge, vert, bleu et proche infra-rouge). Certaines constellations commerciales THR font bien mieux en terme de résolution, tandis que Sentinel2 et ses successeurs fournissent une richesse spectrale bien plus importante. Si l’on vise effectivement une qualité géométrique proche de la THR et une qualité radiométrique proche de Sentinel2, la pertinence de Sentinel-HR ne se situe pas du coté des caractéristiques de l’imagerie, mais bien dans la philosophie de son plan de programmation : acquérir l’ensemble des terres émergées, tous les 20 à 30 jours, avec des angles d’acquisition constants (et proches du Nadir). Nous ne pensons pas que des satellites commerciaux pourraient être utilisés pour un tel plan d’observation. Ces derniers permettraient de s’affranchir des effets géométriques de mouvement apparent du sur-sol, ou des effets radiométriques directionnels des surfaces non-lambertiennes, qui gênent certaines applications, notamment en détection de changement. Avec une mise en forme de la donnée similaire à Sentinel2, organisée en tuiles pour faciliter la constitution de séries temporelles par zone géographique, une licence libre et une diffusion large, nul doute que Sentinel-HR serait un complément très utile à l’offre Sentinel2 NG et aux missions THR.

La 3D en plus

Un modèles numérique de terrain généré à partir d’une seule acquisition VENµS

Pour compléter la capacité à détecter les changements de Sentinel-HR, il est envisagé de doter la mission des capacités de restitution de Modèle Numérique de Surface (MNS). En effet, pour certaines applications, comme le suivi de l’ensemble des glaciers du globe par exemple, disposer d’une série temporelle de MNS avec une revisite intra-annuelle pourrait être précieux. Afin d’en étudier l’intérêt, nous allons au cours de l’étude de phase 0 nous appuyer sur les capacités de la mission Venµs, qui dispose d’une barrette redondante dans le plan focal permettant la restitution du relief pour chaque acquisition, comme présenté par Amandine Rolland dans cet article.

 

Vers des produits hybrides multi-capteurs

Nul besoin de rappeler que la nébulosité subie par les capteurs optiques diminuent fortement la fréquence d’observation. Ainsi le site EO Compass, qui fournit des statistiques de l’archive Sentinel2, nous apprend que pour la tuile 30UXU située en Bretagne, la couverture nuageuse moyenne des images Sentinel2 est de quasiment 60%, et le délai moyen entre deux acquisitions avec moins de 10% de nuages est de 33 jours. En Guyane (tuile 22NCL) ce délai monte à 45 jours.

Il existe déjà des techniques de ré-échantillonnage et d’interpolation temporelle pour les données Sentinel2 par exemple. C’est notamment l’objet d’une des étapes de la chaîne de production de carte d’occupation du sol Iota2, où l’on ré-échantillonne l’ensemble des images sur une grille temporelle commune, s’abstrayant ainsi de la nébulosité et de l’hétérogénéité des dates d’acquisition liée à l’utilisation d’orbites différentes. Avec une revisite de 20 à 30 jours, Sentinel-HR pourrait cependant ne fournir au final que quelques dates claires dans l’année pour un pixel donné, ce qui semble insuffisant pour une interpolation précise de la donnée manquante à une fréquence mensuelle par exemple. En revanche, on peut tenter de guider cette interpolation en s’appuyant sur la série temporelle Sentinel2 acquise durant la même période, qui observe ce pixel certes à moindre résolution spatiale, mais beaucoup plus fréquemment. Des travaux sont en cours au CESBIO pour explorer cette piste méthodologique.

Une étude de phase 0, pour quoi faire ?

Extraction (en rouge) des éléments arborés du paysage, dont le bocage, en Bretagne par la société Kermap, à partir d’images à haute résolution optique.

La phase 0 Sentinel-HR a débuté cet été pour une durée de un an. Il s’agit avant tout de démontrer l’utilité de la donnée qui serait produite, et l’impossibilité de la collecter avec les missions actuelles, au travers des différentes applications portées par le groupe mission. Les éléments collectés permettront peut être d’influencer les caractéristiques de Sentinel2 NG, ou de convaincre les instances Européennes (Copernicus, EEA) du bénéfice qu’aurait une mission de ce type en complément à Sentinel2 NG. L’étude apportera également des éléments de dimensionnement et de coût. Enfin, l’étude vise à démontrer la possibilité de constituer des produits hybrides jouant sur la complémentarité des missions, avec des méthodologies qui pourront être ré-employées dans d’autre cadre.

 

 

 

 

 

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